Le 7 et 8 juin 1944 se déroulait le concours annuel de recrutement des nouveaux élèves-maîtres, futurs instituteurs à Tulle, préfecture de la Corrèze.
André Maury, né en 1927, un des candidats à ce concours, nous raconte:
» Avec un copain, scolarisé avec moi au collège de Beaulieu sur Dordogne, nous étions venus jusqu’à Tulle afin de passer le concours d’entrée à l’école normale d’instituteurs. J’habitais Marcillac-la-Croze et nous ne connaissions Tulle ni l’un ni l’autre.
Nous avions pris une chambre à l’hôtel du Trech, pas très loin de l’école normale d’institutrices. Celle-ci était occupée par une garnison allemande mais nous devions passer notre examen au lycée Edmond Perrier, tout proche.
Les épreuves du concours se sont déroulées normalement le 7 juin mais celles du 8 juin ont été annulées, le lycée ayant été fermé. Nous sommes donc restés dans notre chambre d’hôtel, d’où nous avons entendu quelques tirs.
En fin d’après-midi, le calme semblant être revenu, nous sommes sortis de notre hôtel, et nous avons vu deux cadavres Place du Trech ainsi que quelques autres devant l’école normale qui avait brûlé.
Toutes les épreuves du concours n’étant pas passées, nous avons dormi à l’hôtel du Trech dans la nuit du 8 au 9 juin. Dans la matinée, nous avons entendu des bruits dans le couloir et 2 soldats de la « Das Reich » sont entrés dans notre chambre. A mon avis ils devaient être Alsaciens car ils parlaient parfaitement le français. La femme de chambre leur avait déjà dit que nous étions de jeunes collégiens venus passer un examen – « Trop jeunes, viens ! », a dit l’un deux à l’autre. Ils sont repartis sans plus d’explications.
Voyant la tournure que prenaient les « évènements », nous avons décidé de quitter Tulle juste après le repas de midi et de rentrer à Marcillac à pied en laissant nos valises à l’hôtel.
Nous ne connaissions pas Tulle, je répète. Nous sommes passés devant la mairie puis devant la caserne Marbeau. Là, nous avons commencé à nous rendre compte de notre imprudence devant une sentinelle allemande qui n’a pas réagi, sa surprise n’ayant eu d’égal que notre inconscience.
Nous sommes partis vers les hauteurs du côté du Marquisat en direction de Laguenne puis de Lagarde Enval. Il était déjà tard. Nous avons cherché un endroit pour manger et dormir mais personne n’a voulu nous garder, probablement plus renseignés que nous sur les arrestations d’hommes faites par les SS au même moment sur Tulle. On nous a conseillé de couper à travers bois et de nous rendre dans le petit village de Chantarel. Une femme nous a offert gîte et couvert. Le matin du 10 juin, elle a refusé qu’on lui paye notre hébergement et nous avons repris notre chemin en évitant les routes. Nous avons ainsi rencontré deux maquisards à qui nous avons raconté ce que nous avions vu à Tulle.
Nous sommes arrivés à Marcillac-la -Croze vers midi, soulagés … mais pas pour très longtemps …
Mon copain est reparti vers son village de Bilhac….
Dans la soirée du 10, deux tanks allemands sont arrivés à Marcillac. Ils ont stationné au carrefour des routes de Beaulieu et Vayrac. Etant donné l’heure, ils allaient sûrement passer la nuit là. Mon frère a dit que nous devions partir nous cacher dans les bois, ce qu’ont fait la plupart des hommes du village.
Nous ne savions pas à ce moment-là les exactions faites à Tulle. »
A ce témoignage, nous pouvons ajouter celui d’une jeune habitante de Marcillac la Croze en 1944, Simone Germane, confirmant la présence de ces deux tanks qui ont tiré pendant quelques heures des balles traçantes dans toutes les directions.
Les maquisards étaient dans les bois tout autour du village mais on les avait persuadés de ne pas tenter quelque chose contre ces tanks tant qu’ils ne visaient personne afin d’éviter l’arrivée de plus d’ennemis et des représailles. Ces tanks et leurs occupants ont repris leur route au matin après être rentrés chez des habitants où ils ont seulement demandé à se raser.