René Chaillet a été enregistré chez Monsieur Gounet à Vignols en 2004]
– Quel est le point de départ de votre engagement dans la Résistance ?
« J’étais réfugié, venu du Nord, et je travaillais comme chasseur à l’hôtel de l’Etoile à Brive, en face de l’hôtel Terminus, occupé par les Allemands.
Ma mère était serveuse au restaurant et elle avait discuté avec un monsieur qui était du maquis. Elle a dit que son fils, chasseur de l’hôtel, allait chercher les clients à la gare. Ce monsieur, dont je n’ai jamais appris le nom, m’a dit qu’il allait me trouver un travail en plus, qu’on allait installer des boîtes aux lettres, sept boîtes aux lettres tout autour de Brive. J’ai été d’accord car, entre deux passages de train avec des clients éventuels, j’étais délégué pour aider le chef cuisinier qui m’envoyait chercher du persil, des carottes chez les jardiniers, des lapins chez « Forces ». J’attelais la remorque derrière le vélo et je faisais les commissions et une ou deux boîtes aux lettres. Je pédalais très bien. J’avais le vélo avec des sacoches parfois. C’était plus pratique pour le courrier. Voilà comment j’ai été engagé pour faire les boîtes aux lettres clandestines.
J’ai fait la connaissance du magasinier allemand de l’autre hôtel. Il fermait la porte de la réserve à clé mais il laissait la fenêtre ouverte…au rez de chaussée ! Il y avait des panières remplies de gâteaux secs. J’en ai sorti sept, huit, peut-être dix. Et à la onzième, je me suis fait prendre ! Alors le gars résistant m’a envoyé dans les bois, je ne me rappelle pas où, je ne connaissais pas la région. Il savait qu’il y avait un groupe à tel endroit, il m’a envoyé là.
C’est là que je suis rentré réellement dans le maquis. Au départ, les gars ne me connaissaient pas alors je ne faisais pas dix mètres que j’avais un gars derrière moi ! Mais ils m’ont eu vite connu. C’est à partir de ce moment que j’ai vécu dans les bois, comme les copains. Peu de temps après, nous avons été dans le Vaysse. Avant le Vaysse, j’avais fait du maquis du côté d’Yssandon, je crois. Je suis rentré dans le groupe Jean Robert aux Marians.
Nous sommes allés attaquer l’école normale à Tulle ♦. C’est moi qui ai mis le feu à la toiture. J’avais des balles incendiaires. J’ai mitraillé la charpente et il y a eu le feu . Ils ont prétendu que c’était moi qui avais mis le feu mais je ne sais pas si c’est moi ou les autres. En tout cas tous les Allemands qui étaient dans l’école normale ont été faits prisonniers. Le lendemain de l’attaque de Tulle, quand nous sommes partis, mon groupe a pris par les bois. A un moment donné, on a trouvé un groupe d’hommes. Nous avons cru être tombés sur des Allemands. Heureusement, c’était d’autres maquisards. En un rien de temps on s’est reconnu. Nous n’avons pas eu de problème tandis que Michel, lui, il a pris une Traction et donc a pris par la route et les SS l’ont rattrapé.
♦ Dans « Maquis de Corrèze », le nom de « Barnabé », René Chaillet, esteffectivement cité, avec celui d’un autre, comme ayant mis le feu à la charpente de l’école normale de filles.
– Pourquoi avez-vous continué après la libération de la Corrèze ?
Après la libération de Brive, de Tulle, quand ça a été à peu près terminé, j’ai été à la Pointe de Grave et j’ai continué jusqu’en Allemagne car j’avais envie de voir la France libérée le plus vite possible. J’étais un gars du Nord de la France ; je connaissais les Allemands qui nous avaient fait beaucoup de misère déjà, alors j’ai signé un engagement pour la durée de la guerre. J’étais anti-militariste pourtant.
Le comble, c’est que, quand j’ai été libéré en 1945, ils m’ont habillé…en treillis « boche ».
– Une anecdote particulière ?
Lors d’une attaque dans les bois (du côté d’Yssandon peut-être), j’étais avec un petit gars qui avait réussi à s’échapper d’Oradour sur Glane je crois et un autre qui était Espagnol. On n’avait pas réussi à passer dans un pré alors on s’est jeté dans les ronces. On nous tirait dessus ; on était coincé dans les ronces tous les trois et tant mieux car si on faisait quatre, cinq mètres de plus, on se faisait bousiller. Ensuite on s’est sauvé. On a monté une butte, d’une raideur ! Le jeune gars avait un fusil très long, il s’est blessé avec. Il s’est mis sur le dos, m’a dit de continuer, de courir, qu’il allait leur tirer dessus. C’était la phalange africaine qui nous courait après. A un moment donné, je me retourne, voit un poursuivant à 60, 70 m de moi. J’ai tiré une rafale de sten. Il s’est couché. J’ai continué à tirer tout en me sauvant. Je suis arrivé à la ferme. Lui avait peut-être 150m à faire et moi 500m à faire de l’autre côté. Hé bien, j’ai fait mes 500m avant qu’il ne fasse ses 150m ! Je me suis retrouvé tout seul. L’Espagnol s’est fait tuer aussi.
Je me suis caché dans un rang de vigne. Il y avait un autre homme au bout. J’étais prêt à tirer ; il m’a fait un signe ; c’était un maquisard. Il m’a conduit dans une sape…
– Et au niveau des armes ?
On nous avait donné des bazookas. C’est des tuyaux et tu n’avais pas intérêt à être derrière. On avait essayé ça sur la route de Pompadour. Je ne me souviens pas du nom du chef qui tirait.
Après l’attaque du train d’Ussac, on avait récupéré un canon qu’on avait posté très haut sur la route de Tulle. On voyait une bonne portion de la route Tulle –Brive. C’était lors de l’embuscade de Cornil. On a attaqué un convoi allemand. Il y a eu beaucoup de dégâts chez les Allemands. Quand nous avons eu terminé, nous avons laissé le 20mm sur place car on ne pouvait pas le transporter, les Allemands nous auraient rattrapés. Tout s’est bien passé.
Monsieur René Chaillet a été décoré de la croix de guerre.
RAJOUT:
Extrait de l’article de l’Echo du 28/11/2009 : « Vignols: René Chaillet n’est plus.
Les anciens Résistants de Vignols ont appris avec beaucoup de tristesse le décès de René Chaillet, alias Barnabé, à l’âge de 81 ans. Il avait été un des premiers à rejoindre le groupe Jean Robert du maquis du Vaysse. Sous les ordres de Pierre Guérin, il avait été de tous les combats contre les forces de répression : Corrèze, pointe de Grave, Alsace, Allemagne.
Revenu à Vignols, il avait épousé Thérèse Singens du village de la Porcherie. C’était Thérèse qui avait alerté le groupe Jean Robert lors de la première attaque des forces de répression… »
Monsieur Chaillet, né le 01.04.1928 est décédé le 25.11.2009 à Ayres sur Adour
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