Dimanche 21 avril 2013 a eu lieu la commémoration rendant hommage à la mémoire des personnes du village déportées le 15 avril 1944 au camp de Neuangamme et ce, devant la stèle érigée sur la place du Saillant de Voutezac.
Deux gerbes ont été déposées puis Monsieur le maire de Voutezac, maître de cérémonie, a fait l’appel des morts pour la France dont le nom figure sur la stèle: Messieurs Borie, Chauzu, Lagueyrie, Freyssinet. Il a ajouté le nom de Monsieur Restoueix revenu de déportation et mort en 2005. Après la minute de silence suivie de la sonnerie aux morts, la parole a été donnée au président de notre comité qui a rappelé l’importance de l’existence de cette Résistance pour l’avenir de la France dès 1945 et jusqu’à nos jours.
L’intervention de monsieur Peyramaure, maire, a été émaillée de souvenirs recueillis auprès des anciens habitants du Saillant ainsi que de citations littéraires. Il y a eu ensuite l’écoute du Chant des partisans suivi de la Marseillaise et des remerciements à la vingtaine de porte-drapeaux.
Présente comme tous les ans à cette émouvante cérémonie, madame Monteil, très connue au Saillant, a bien voulu nous confier, afin que nous le mettions sur notre site, le texte qu’elle avait écrit à la demande du maire de Voutezac, texte lu par ce dernier en avril 2011.
» Nous sommes dans la nuit du samedi 8 avril 1944. Soudain la devanture du réparateur de vélos jouxtant notre domicile vole en éclats, suite à une violente explosion. S’agit-il d’une bombe, Mais pourquoi? Vengeance? Manigance? Qui est à l’origine?
Dans la matinée du dimanche, la gendarmerie d’Objat se rend sur les lieux pour enquêter. Le lendemain, lundi de Pâques, les gendarmes d’Objat sont de retour afin de poursuivre l’enquête. On remarque un jeune prénommé Serge. Agé de 17 ans, il est arrivé au Saillant voici quelques semaines, en provenance de la région parisienne. On le voyait régulièrement traîner dans le village, participant aux travaux agricoles. Il passe et repasse, regarde avec insistance les gendarmes qui lui crient : « Tire-toi de là ». Les gendarmes intrigués par ses incessants aller-retour se décident finalement à l’interpeller. Il a réussi sa démarche. Il est conduit à la gendarmerie d’Objat et le soir même sera transféré à l’hôtel Terminus à Brive où est hébergée la Kommandatur. Très vite, on comprendra que le jeune Serge n’était pas en villégiature au Saillant par hasard, il deviendra la pièce maîtresse de cette opération d’envergure mise en place par les Allemands.
Mercredi 12, des tractions arrivent d’Objat par la Sauvezie avec à bord des Allemands et des miliciens et s’arrêtent devant le café Lascaux. Serge est avec eux, il connaît bien les lieux. En passant, je l’entends déclarer: « Il n’en est pas ». Il avait dressé la liste des Résistants qu’il fallait arrêter. Le fils de la propriétaire se sauve dans les bois avec deux amis. La propriétaire est arrêtée.
Samedi 15 avril, le temps est couvert, il est 6h40; le village est désert. Rien d’anormal ne semble se préparer. Soudain à 7h, un vacarme épouvantable se fait entendre. Des camions allemands envahissent le village; le Saillant est cerné. Les Allemands avec les miliciens pénêtrent dans les maisons, font sortir les habitants et les conduisent dans le parc du château. Les interrogatoires, les menaces, les insultes se succèdent; les Allemands cherchent des maquisards, n’en trouvent pas. J’entends Serge déclarer: »Ils ne sont pas ici. » Ma mère et madame Val sont conduites dans le parc du château. Là, elles retrouveront près de 300 personnes, hommes ,femmes, enfants, qui ne comprennent pas les raisons de cette intervention. Elles reconnaissent Serge, le jeune indicateur au service des Allemands; c’est lui qui décide du sort des prisonniers. Pendant ce temps, les maisons sont toutes visitées, pillées; l’épicerie familiale est saccagée. Ils cassent, détruisent tout ce qu’ils ne peuvent pas emporter. Les lentilles, haricots blancs, café, vendus en vrac à cette époque, sont renversés dans la boutique. Le coin mercerie est dévalisé. Chez moi, je n’ai vu que des miliciens intervenir. C’est un Allemand qui est venu les chasser. En sortant, il m’a regardée et dit « Moi, fille comme vous en Allemagne. » Quels étaient ses sentiments à ce moment-là? Que ressentait-il?
Au moment de leur départ, j’aperçois un lance-flammes devant le café familial, prévu au cas où…
A 11h30, les portes du château s’ouvrent et un convoi de camions quitte le parc. J’aperçois ma mère les yeux bas, le regard malheureux, pensant ne jamais revoir ses enfants. Je reste avec ma grand-mère, mon petit frère et ma soeur. J’ai 17 ans.
Les otages sont conduits à Tulle, enfermés à l’école de Souilhac, puis à l’hôtel Saint Martin, siège de la Gestapo.
La semaine suivante, par le train, je suis allée chercher ma mère à Tulle, libérée après avoir réglé une amende conséquente. Une amende pourquoi? Je n’ai jamais trouvé de réponse à mes interrogations.
Nous n’avons jamais su ce qu’était devenu le jeune Serge, espion traitre venu de la région parisienne. »