Mr Roger Reynal a été enregistré chez lui à Voutezac en 2005]
– Qu’avez-vous fait avant votre entrée dans la clandestinité ?
« De juin 1942 à février 1943, j’ai fait les chantiers de jeunesse dans le Puy de Dôme. Lors d’un retour de permission, j’ai lancé des tracts clandestins avant d’arriver en gare de Vichy, entre 2 trains, tracts remis par Fernand Chastanet d’Objat.
Le 22 mars 1943, j’étais convoqué à Brive pour partir au STO, à Breslau en Pologne, travailler dans les mines de sel. Arrivé à Brive, j’ai rencontré un représentant du STO que je connaissais. Il m’a dit de repartir chez moi et de revenir à une prochaine convocation. J’ai été re-convoqué le 6 avril 1943 pour me rendre à Bordeaux à l’organisation Todt. Cette fois-ci j’ai dû obéir cor j’avais peur que mon père soit arrêté à ma place. Il était communiste. J’ai été envoyé à Arcachon pour la construction des blockhaus. On nous avait gardé nos cartes d’identité. Nous avons mis la plus mauvaise volonté possible à travailler sans risquer quand même d’être expédiés en Allemagne (réservoir de fuel crevés, bétonnière ensablée…).
Un jour, j’ai obtenu une permission avec une lettre me permettant de passer la ligne de démarcation mais sans que ma carte d’identité ne me soit rendue. J’ai décidé de ne pas revenir. J’étais donc devenu un clandestin. »
– Dans quel secteur avez-vous fait de la Résistance ?
« J’ai commencé par ravitailler des copains qui avaient refusé de partir au STO et qui se cachaient, dans des cabanes de vigne autour de Voutezac. (Joseph Boulle convoqué pour partir le 13 juin 43, Gaston Reynal, Bizard). Je suis entré en liaison avec le groupe Jean Robert qui était dans Le Vaysse. J’avais un revolver remis par le père Gautier (d’Objat). Je prévenais les maquis lors de déplacements suspects dans les coins. La nuit. je ne dormais jamais au même endroit. Je sautais par la fenêtre de derrière le bistrot de mes parents sur la terrasse. Des « légaux » m’hébergeaient par exemple la postière de Voutezac qui a beaucoup aidé la Résistance. On faisait des inscriptions sur les portes des collabos! J’ai fait arrêter des miliciens car j’étais très observateur. J’ai fait agent de liaison. Quand les Allemands sont venus dans le Vaysse à Rouffignac, 2 maquis se sont cachés dans des touffes de genêts pendant deux jours. J’ai fini par les retrouver. Ils mouraient de faim. Je suis allé chez Armand Savignac et j’ai expliqué la situation. Il m’a aussitôt donné une tourte de pain qu’un autre paysan m’avait refusé juste avant.
On a arrêté des faux maquis qui avaient volé chez des paysans. Je faisais partie de la police du maquis.
– Un fait plus marquant ?
« Quelques jours avant la terrible journée du 15 avril où les Allemands ont parqué la population du Saillant au château et où des Résistants ont été arrêtés (Freyssinet, Lagueyrie, Borie, Chauzu, Restoueix), un homme chapeauté était venu chez mes parents demander si leur fils « Maurice » n’était pas là car il avait une tourte de pain et une lanterne à porter aux maquis du Vaysse. Ma mère lui avait répondu qu’il était mal renseigné car elle n’avait pas de fils se nommant Maurice (!) et que son fils Roger n’était pas là (je n’étais pas loin pourtant). C’est ce même type qui a désigné les Résistants au Saillant! Il avait assisté à un casse-croûte avec eux et avait pu les montrer.
Je faisais office d’agent de liaison donc je voyais d’autres groupes que celui de « Jean Robert ». Le 22 juillet, il y a eu un parachutage à Voutezac. Nous avons récupéré les armes et les munitions. Le stockage s’est fait dans la forge de mon père. Ensuite, ces armes ont été distribuées aux groupes de la 2399ème compagnie et dans le Vaysse. On manquait cruellement d’armes. »
– Qu’avez-vous fait après la libération de Brive, le 15 août 1944 ?
« Je me suis engagé au 100ème régiment d’infanterie à Tulle avec le Lieutenant Buffon. (J’ai souscrit un E.V.D.G.: un engagement volontaire pour la durée de la guerre). II y avait d’autres copains comme Bardon René, Rebière René. Lachaud Henri, Baret Pierre, Fraysse Louis »
– Un souvenir à évoquer ?
« Oui, à la mémoire de mon père: Le 11 novembre 1940, des gens de la région sont venus le trouver pour le faire adhérer à la Ligue de Pétain. Ils lui ont remis le drapeau de la FOP (Fédération Ouvriers-Paysans) car ils trouvaient dangereux de le garder avec eux puisque les associations d’Anciens Combattants de la guerre de 14/18 avaient été dissoutes. J’étais là le jour de cette rencontre. La réponse de mon père a été rapide : « Je préfère entrer dans un cercueil plutôt que de vous suivre. »
RAJOUT:
Monsieur Roger Reynal , né le 19 juin 1922 à Voutezac (19) est mort le 19 septembre 2014 à Brive. (voir article dans « archives » et chercher le mois de septembre 2014)
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