[ Mr Auguste Lauriac a été enregistré chez lui à Voutezac en 2013 ]
– Qu’est ce qui vous a conduit à faire de la Résistance ?
Je suis né en 1928. J’étais un adolescent au début de la guerre mais j’ai eu des liens avec la Résistance car je suivais mon père partout. Il se trouve qu’il était le maire de Voutezac depuis 1935. Il l’est resté jusqu’en 1940, période à laquelle il a préféré démissionner compte tenu de la situation politique de notre pays. Il a commencé alors à être « marqué » comme opposant au régime.
Les premiers maquis installés à Voutezac étaient de l’AS. Il y en avait sous Pommier, le chemin en face du château de Comborn. Comme mon père connaissait très bien ces maquis et était reconnu d’eux, ils venaient prendre les renseignements chez nous. J’étais là.
J’étais très jeune mais j’ai participé aussi. Ils parlaient des sabotages à faire et on les aidait. Ils étaient venus de Montauban en 1942, ces maquis de l’AS. Ensuite, ils ont été démantelés et déplacés vers Sainte- Féréole. C’est Martin Principaut qui les avait conduits. Ils se sont fait massacrer à Sainte-Féréole. Je vais tous les ans à la commémoration de cet horrible massacre.
En tant que maire, mon père était très bien avec le sous-préfet de Brive. Mon beau- frère avait été secrétaire de mairie. Il avait gardé le tampon de la mairie et il faisait des fausses cartes d’identité à la demande. Ce sont les 18 de Sainte-Féréole qui ont bénéficié les premiers de ces papiers. Vaujour en a eu aussi.
On les avait souvent chez nous à Voutezac.
– Quelles étaient les difficultés pendant cette période ?
Le problème c’est, qu’au début, à Voutezac, des gens dénonçaient ceux qui aidaient les Résistants. Ils soutenaient Pétain et devaient estimer qu’ils faisaient leur devoir. Mon père, lui, soutenait De Gaulle. Des gens ont été tués à cause de listes de dénonciation.
Certains faisaient partie de la milice. C’était eux ou nous. C’était la guerre. On n’avait pas le choix. Alors des Résistants ont réagi : Dans Voutezac, il y a encore des traces laissées par les bombes placées la nuit devant les portes des collaborateurs.
Le lundi de Pâques 1944, des juifs, qui louaient la maison du bourg qui se trouve dans la descente vers Le Saillant de Voutezac, étaient en train de manger quand ils ont été arrêtés. Les enfants n’ont pas été embarqués. Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus, si les deux petits s’en sont sortis. Les parents avaient été dénoncés par un gars qu’on voyait tourner dans le coin. Je crois que le compte de ce dernier a été réglé.
– Et avec les maquis FTPF ?
Quand le camp AS de la Vézère a été déplacé, mon père a naturellement cherché à continuer le travail auprès des groupes FTPF du coin. Il a participé à monter un camp avec Roussely Gaston. Il y avait aussi Bordas Dédé du Saillant, Fraysse Marcel de l’Espinasserie, Barial, Leulier ainsi que Reynal qui avait été au conseil municipal en même temps que mon père. Les sabotages ont continué.
– Des anecdotes par rapport aux actions menées avec les FTPF ?
Un soir de 1944, aux alentours du 14 juillet, Vaujour a fait des signaux car des avions devaient faire des parachutages. Un avion a parachuté 22 containers sur la route d’Objat en bas de chez Raynal. La première qui a vu que des containers tombaient du ciel, c’est « la Nini » Reynal. Elle est montée prévenir mon père. Celui-ci a prévenu le PC du capitaine « Jacky » qui commandait dans le Vaysse. Pierre Dumas est monté récupérer les colis avec son camion : Destination Camp du Vaysse. Nous étions plusieurs jeunes pour charger ces containers sur le camion le plus vite possible. Un container s’est ouvert. Dedans il y avait des fusils mitrailleurs, du plastic…. Les maquis s’en sont servis pour toutes leurs attaques. Le travail de planque s’est terminé à 2h de la nuit. Ouf !
Il a fallu apprendre à se servir de ces mitraillettes. On s’est regroupé dans une salle de l’ancienne école. Barnier, qui était dégourdi, nous dit « Tirez-vous de devant, je vais vous montrer comment on démonte cet engin » Mais il ne savait pas qu’il y avait des balles dans le chargeur ! Il a mitraillé le plafond. Il aurait pu y avoir des blessés. Quand on est jeune, on ne sait pas qu’il faut apprendre à manier ces armes. On croit que c’est facile.
– Connaissiez-vous « Toutou » ?
C’est André Briat. Je le connaissais. C’était un maquis. Il faisait les bals clandestins avec son accordéon. Il y avait souvent des bals clandestins chez Mégie ou chez Maury à Crouzevialle. Ces deux familles participaient au ravitaillement des maquis.
Il a été assassiné à Orgnac. Il passait à la maison tous les jours. Au départ, il était avec le maquis d’Allassac. Il allait jouer chez Lascaux, un café du Saillant. Il aimait tellement son accordéon qu’il jouait quelquefois sur la route. Il a été encerclé à Rouffignac en même temps que Rescapé, l’Allemand du groupe Jean Robert, mais lui n’a pas pu s’échapper.
– Et la libération ?
Quand la guerre a été finie, mon père a été désigné président du comité de Libération en attendant qu’il y ait des élections. Les gens du Bourg ont fait un repas dans la cour de l’école et nous avons fait sonner les cloches de l’église pendant 8 jours tant et si bien qu’on a cassé les cordes. Alors, on montait sonner dans le clocher. Je jouais de l’accordéon. Avec mes copains on faisait danser les autres.
Réalisé par Mme MAURY